Du réalisme et de la mémoire

Lundi dernier, le 12, c'était la journée gratuite au Grand Palais pour les adhérents du Musée d'Orsay. J'en ai donc profité pour aller voir Courbet. Il y avait trois files d'attente. Une longue pour les gens sans billet. Une moyenne pour ceux qui avaient acheté le leur. Et une coupe-file plus courte pour les détenteurs d'une carte Sésame ou autre. Nous étions prioritaires sur les autres mais nous avons dû patienter quelques minutes avant de pouvoir entrer. Un peu honte de mon privilège (que j'ai pourtant payé). Du monde aux caisses mais j'ai passé outre en me présentant directement à l'entrée avec ma Carte Blanche. Et j'étais dans la place. Cela m'a étonné comme un enfant d'avoir pu entrer si rapidement et sans payer.
Le plus étrange était à venir. Bien que je ne suis pas un fan de Courbet, ses toiles ont attiré mon regard et j'ai eu une sensation de déjà vu !? Or je ne me souviens pas être déjà allé voir une expo essentiellement consacrée au peintre. Certes, il y avait toutes les toiles du Musée d'Orsay et du Petit Palais que je connaissais par coeur (ce qui a fait dire à une dame s'adressant à son mari : Pourquoi y-t-il tant de monde à venir voir cette exposition Courbet alors qu'il n'y a pratiquement personne pour aller l'admirer au Musée d'Orsay ?...) C'est alors que j'ai compris. J'avais effectivement vu les autres toiles dans un petit bouquin des Petits Classiques de l'Art Flammarion que j'achetais au temps de ma pauvreté dans les brocantes ou les bouquineries d'occase à deux balles. On dit toujours que rien ne vaut une visite au Musée pour observer les véritables oeuvres mais je ne le crois pas. A l'époque, je n'allais pas voir les expositions comme je le fais maintenant tout bonnement parce que ce n'était pas dans ma culture familiale. Et je me rabattais sur les livres dans lesquels je plongeais avec délice. A tel point que ce plongeon artistique était parfaitement réel (comme le dit Tisseron, si les films sont complétement de fiction, nos émotions quand on les regarde sont totalement réelles). L'exposition Courbet était la réincarnation de ma lecture d'antan.

Sorti mon carnet pour prendre quelques notes succinctes. L'étrange changement de titre du tableau Toilette de la morte dite autrefois Toilette de la Mariée (Northampton) !!??

La Somnambule (Besançon)
Portrait de Régis Courbet (Galerie Schmit)
La Fileuse Endormie (Montpellier)
Un après-midi à Ornans (Collection Particulière)
L'Atelier du Peintre m'a rappelé une autre partie de ma vie : mon premier Petit Larousse offert par ma marraine quand j'étais gamin. Je feuilletais béatement le dictionnaire pour admirer cette femme nue (si peu !) que je caressais du doigt avec étonnement.

Entre les deux étages, des photos de Balthasar Burkhard sur les thèmes de Courbet. Dont un très beau nu debout. Une aile de faucon aussi :

Une citation de Robert Franck :
La vérité n'existe pas toute seule par elle-même. Elle n'existe que dans sa relation à l'art.

A l'étage, j'ai été curieusement ébloui par les paysages du peintre : rugueux, vides et solitaires. Très beaux.

L'Orée de la Forêt (Philadelphie)
Mer calme (MET)
Puis une salle de portraits.
La Dame de Francfort (Cologne)
Le Treillis (Toledo)
Jo, la belle irlandaise (Stockholm)

Tous "dejà vus".
Puis une pancarte "Certaines oeuvres de cette salle peuvent choquer la sensibilité du public". Au Musée d'Orsay, on ne prend pas autant de précaution avec L'Origine du Monde... (rires). En fait, il y avait des photos stéréoscopiques de chattes poilues en 3D. J'ai pas trouvé ça de très bon goût (si j'ose dire). J'aurais plutôt fait des anaglyphes de fesses et de seins pour les volumes.

Retrouvé la Femme au Perroquet (MET) de mon livre à deux balles.

Une salle d'animaux. De très beaux lévriers.
Et une dernière de Natures Mortes dont celle aux pommes (Amsterdam) magnifiques et vraies. Noté Le Château de Chillon (Ornans) aussi.

Les photos étaient bien sûr interdites mais j'aurais bien photographié la jolie petite gardienne noire. Acheté bien évidemment le Petit Journal. Et sorti de l'expo, heureux comme lorsqu'un rêve s'est réalisé.

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Comments

[Joël]

J'ai souvent pensé en visitant les musées que de bons livres feraient bien l'affaire. J'ai aussi des souvenirs du Larousse, notamment un portrait de BB aux poumons très développés par van Dongen que je ne retrouve pas. Les portraits de 54 et 58 ne sont pas à la hauteur.