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Canal Dandylan
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13 décembre 2008

On y voit de moins en moins

C'est en lisant le billet du Garde sur le Verrou de Fragonard que j'ai eu envie de faire un billet sur l'excellent livre de Daniel Arasse, historien d'art dont est retranscrit ici ses émissions radiophoniques de 2003 sur France Culture. Je me contenterai de ce long passage qui en dit long :
Cela dit, ne pas y voir mieux mais voir autrement, tout cela reste très théorique. Je parle ici comme un historien de l'art qui va voir les expositions quand elles sont fermées au public. Car le problème, c'est qu'à force de rendre ces tableaux visibles par le plus grand nombre possible, il en découle qu'on les voit de moins en moins. Cela pour deux raisons principales. La première est que l'exposition est faite pour attirer le plus grand nombre de gens possible, et c'est normal parce que la peinture est un patrimoine commun, et plus il y a de monde qui va au musée ou à l'exposition, plus le musée joue ainsi son rôle d'éducation mettant à la disposition de la population des objets qui appartiennent à la collectivité. L'intention est bonne, malheureusemnt les résultats sont catastrophiques. Car à cette intention s'ajoute celle de la rentabilité culturelle. Une exposition qui dure trois mois, qui a coûté tant pour les assurances, les éclairages, les transports etc., non seulement ne doit pas perdre d'argent mais si possible en rapporter, pour faire d'autres expositions. (...) On y voit de moins en moins parce qu'il y a de plus den plus de monde, et aussi parce que, tant dans les musées que dans les expsoitions, montrer de la peinture ou de la sculpture, c'est faire du théâtre autour des oeuvres d'art, c'est faire de la scénographie. C'est d'ailleurs le terme utilisé pour désigner le travail de la personne qui organise la mise en scène de l'exposition. Le problème, c'est que la scénographie montre avant tout le scénographe. Bien entendu, il faut organiser le parcours de l'exposition, accrocher les oeuvres et quand c'est réussi, on oublie la scénographie, preuve que c'est une grande exposition. Mais il y a trop d'expositions aujourd'hui, je le dis très nettement, où l'on va admirer et souvent pour ma part détester, le travail du scénographe.
(...)
Un des pièges de ce genre d'expositions, c'est qu'on passe de la valeur d'expostion de l'oeuvre à la valeur de culte de l'exposition. Je fais ici référence au fameux texte de Walter Benjamin sur l'oeuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité mécanique. Il y explique le passage dans la peinture européenne d'une valeur de culte de l'oeuvre, où elle n'est pas visible mais où on lui rend un culte, à une valeur d'exposition, où elle est visible mais n'a plus de culte, car elle se rapproche à travers la reproduction indéfinie et mécanique
(...)
A présent, on ne passe pas d'une valeur de culte avec invisibilité de l'oeuvre à la valeur d'exposition, on passe d'une valeur d'exposition à une valeur d'invisibilité qui est le culte de l'expsoition elle-même, et dans le fond, de la culture. On ne va plus rendre hommage à la peinture, qu'on ne voit plus (...), mais à la mise en scène de la culture.
Histoires de peintures. Daniel Arasse

Commentaires
L
Je ne manque jamais de lire ou de relire Daniel Arasse quand je peux, en particulier "Histoire de peintures" et "On n'y voit rien". Voici une de ses conférences en vidéo:<br /> <br /> http://www.canal-u.tv/producteurs/universite_de_tous_les_savoirs/dossier_programmes/les_conferences_de_l_annee_2001/les_renouvellements_de_l_observation_dans_les_sciences_contemporaines/interpreter_l_art_entre_voir_et_savoirs
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M
Tout à fait d'accord ! et c'est pourquoi ( en partie ) j'aime le MAC/VAL ! <br /> Il y a cette scénographie, mais elle fait "oeuvre" ( car il n'y a pas foule ! ou rarement ...)<br /> :-)
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